J’inaugure avec cet article une nouvelle rubrique, dans laquelle je proposerai régulièrement une analyse des représentations des thérapeutes, de la psychologie et des troubles mentaux tels que véhiculés par les médias.
J’ai beaucoup entendu parler de cette série espagnole diffusée sur Netflix avant de me lancer dans son visionnage. Et j’y ai été interpellé par un personnage secondaire : la mère de l’inspectrice Raquel Murillo, Mariví Fuentes. Madame, âgée, vit avec sa fille et l’on découvre bien vite qu’elle souffre d’une pathologie de la mémoire dont personne n’a connaissance à part elle. Afin de ne pas oublier les éléments de vie nouveaux concernant Raquel, Mariví note ces informations sur des Post-it soigneusement collés dans son armoire. Cette donnée nourrira un ressort narratif lors d’une scène entre elle et El Profesor.
Personne âgée + problème de mémoire = Alzheimer ? La maladie d’Alzheimer étant probablement la démence la plus connue, on peut supposer que c’est ce que les scénaristes avaient en tête. Aucun diagnostic n’est prononcé dans la série, le seul personnage étant au courant semblant être Mariví elle-même. Et pourtant, quelque chose cloche quand on s’y connaît un peu. En effet, s’il est vrai qu’une personne souffrant d’une pathologie de la mémoire va souvent mettre en place des stratégies pour contrer ses difficultés, je n’ai jamais constaté de technique aussi efficace devant un trouble aussi avancé. Car là, clairement, la mère de l’inspectrice semble incapable de retenir une information nouvelle mais elle est tellement maligne qu’elle a réussi à s’en rendre compte, à le cacher à sa fille et à sa petite-fille (qui n’ont aucun soupçon) et à vivre normalement. Si des troubles légers peuvent ne pas être remarqués par l’entourage, une pathologie aussi avancée que la sienne ne saurait passer inaperçue.
L’autre point qui va à l’encontre d’un possible diagnostic de maladie d’Alzheimer est que même si cette maladie neurodégénérative est une pathologie de la mémoire, elle n’est pas que ça ; elle touche d’autres sphères cognitives. Ainsi, on va souvent constater, en premier lieu, une désorientation temporelle et/ou spatiale. Les personnes touchées par cela vont par exemple se perdre dans des quartiers qu’elles connaissaient pourtant par cœur ou se croire en juin quand on est décembre. Cette maladie peut aussi affecter l’attention, le langage, le comportement… et devenir un fardeau pour les proches. Dans La Casa de papel, Mariví Fuentes n’a pas besoin d’aide au quotidien et ne souffre que d’un seul type de déficit (pourtant prononcé). Alors soit elle souffre d’une pathologie que je ne connais pas, soit les scénaristes ont essayé de nous enfumer avec un pseudo Alzheimer affectant un personnage… On le leur pardonne, le but de la série n’étant évidemment pas de fournir un témoignage sur cette pathologie mais de nous distraire avec le braquage du siècle.