Alors que je me retrouve face aux mêmes difficultés que la plupart d’entre vous en étant confiné dans mon appartement parisien, je me demande depuis le début de cette période quelles sont les stratégies à mettre en place pour préserver notre moral, plus volontiers mis à mal en ce moment. Je partage donc ici les propositions issues de mon expérience et de celle de mon entourage. Cela n’a bien sûr aucune valeur scientifique.

Gardez en tête qu’il n’existe pas de recette, de règle universelle applicable à tout le monde. A vous de voir ce qui vous convient en fonction de ce qui est important pour vous, de ce qui vous nourrit au quotidien.

De plus, nous ne sommes pas à égalité face à ce confinement. D’une part parce que certains de nos besoins sont différents : alors que, en temps normal, certain-e-s vont sortir et voir leur entourage pour se ressourcer, d’autres au contraire apprécient le calme et la solitude de leur foyer. Et puis, entre ceux et celles qui vivent dans quelques mètres carrés et les autres qui ont plus d’espace, voire un jardin, on se doute que ça va être plus gérable pour la deuxième catégorie. D’autres différences majeures entre les personnes qui télétravaillent et celles qui se reposent, celles qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas, celles qui sont seul-e-s ou se sentent trop nombreuses dans leur foyer…

Ces propositions ne sont seront pas faisables par tou-te-s et j’en suis désolé.

 

1) ENTRETENIR LES LIENS

Par tous les moyens possibles, gardez des contacts avec vos proches : textos, photos, vidéos, Skype, FaceTime… Tout est possible, nécessaire, afin de réduire le sentiment d’isolement. Vous pouvez organiser des sessions avec une ou plusieurs personnes, vous donner rendez-vous.

Faites des jeux avec les gens avec qui vous vivez, soit des jeux vidéo, soit des jeux de société. Inventez-en !

Participez aussi, si cela vous dit, aux initiatives « publiques » qui sont organisées, comme d’applaudir chaque soir à 20h00 à vos fenêtres les soignant-e-s et les personnes mobilisées dans la lute contre le Covid-19 (d’ailleurs, n’oublions pas les professionnel-le-s du social et les commerçant-e-s sur le pont !). Comme en Italie, mettez-vous à chanter au balcon et invitez votre rue à faire de même : convivialité garantie !

En cas de moment difficile, et si ni vos ami-e-s ni votre psy ne sont joignables, pensez au chatbot Owlie, qui vous répondra à n’importe quelle heure du jour comme de la nuit. Egalement le groupe Facebook Restons chez nous, moins seuls, lancé par des professionnels de la santé mentale, regorge de soutien et de bonnes idées.

 

2) SE DIVERTIR

Celles et ceux qui ne vivent pas seul-e-s, essayez autant que possible de vous créer des moments pour vous : prenez un bain, isolez-vous dans une pièce du foyer… Lire (de plus en plus de sources avec des livres numériques en accès libre fleurissent, comme les bibliothèques municipales de Paris, le site 1001 ebooks), regarder des séries et des films (Netflix, Amazon, Canal + gratuit…), vous le faites déjà et ça vous fait sûrement du bien. Et ne regardez pas que des choses tristes ! De même, attention aux réseaux sociaux qui pullulent de mauvaises nouvelles (j’y contribue pleinement !). Il est normal d’avoir envie d’être en lien et de s’informer, mais pensez à vous ménager des temps sans nouvelles alarmantes.

Si vous avez des enfants et que vous avez la chance d’être deux pour les élever, ménagez-vous des moments où seul-e l’un-e d’entre vous s’en occupe pour laisser l’autre respirer.

Pensez également aux musées qui proposent des visites virtuelles gratuitement. Dernièrement, le musée d’Orsay a mis en ligne des podcasts sur ses œuvres.

 

3) SE SENTIR UTILE

Si vous ne travaillez pas, vous allez probablement manquer de ce sentiment. Si vous vivez avec des gens, vous pouvez prendre soin d’elles-eux, en leur faisant à manger, en prenant en charge le ménage, surtout si elles-eux continuent de travailler. Si vous vivez seul-e, c’est le moment d’être utile au futur vous en faisant tout ce que vous repoussez : trier les papiers, le rangement, un éventuel réaménagement… Vous pouvez aussi apporter votre soutien moral à votre entourage en leur écrivant, en les appelant…

Pour aller plus loin, vous pouvez faire des dons à des associations chères à votre cœur : les dons sont en chute libre, elles sont donc en souffrance… Ou connectez-vous sur enpremiereligne.fr pour venir concrètement en aide aux soignant-e-s.

Certain-e-s d’entre vous peuvent même donner leur sang (car la pénurie commence). Et proposer votre aide dans les établissements médicaux qui en ont besoin : https://www.renfort-covid.fr

 

4) BOUGER

Etre confiné-e pourrait facilement être synonyme de léthargie. Au contraire, il convient de bouger régulièrement. Vous pouvez par exemple vous mettre à la musculation au poids du corps avec Adidas Training ou en suivant les nombreuses chaînes YouTube fitness qui existent. La page FaceBook des Cercles de la Forme propose des cours en direct. Sinon, vous trouverez pléthores d’exercices sur YouTube, du yoga, de l’aérobic, du CrossFit… Pour les personnes qui préfèrent la douceur, sachez que ne serait-ce que quelques étirements, ça fait déjà du bien.

 

5) TRAVERSER SES EMOTIONS

Le confinement nous en fait voir de toutes les couleurs… C’est normal. Ne cherchez pas forcément à vous débarrasser de vos émotions. Pour mieux les gérer, voici quelques petits trucs.

En premier lieu, pensez à ouvrir en grand vos fenêtres le matin, à passer du temps devant, afin de prendre l’air et surtout de la lumière naturelle. S’exposer à la lumière naturelle, même par temps couvert (ou à un appareil de luminothérapie) engendre une augmentation de la sérotonine, qui va vous aider à vous sentir de meilleure humeur.

Sinon, c’est peut-être le moment de vous mettre à la méditation de pleine conscience ? De nombreuses applications existent pour cela, comme Petit Bambou. A tester, vous verrez si cela vous convient. Attention, l’idée n’est pas de découvrir la méditation quand vous êtes en proie à une émotion forte, mais plutôt de la voir comme une hygiène mentale à développer au quotidien, plus comme un traitement de fond, préventif, qu’un médicament curatif. Même si clairement c’est aussi adapté en période aiguë ! 

Deux autres techniques que j’affectionne particulièrement. La première consiste à déposer son émotion sur une feuille. Vous allez simplement écrire : de quelle émotion il s’agit (tristesse, colère, peur, surprise, joie, etc.), les ressentis de votre corps (yeux qui piquent, gorge nouée, nausée…), les pensées associées à cette émotion (« j’en ai marre », « je ne sais pas quoi faire… »), les besoins dont elle est le témoin (besoin d’être en lien, besoin de se sentir utile, de bouger…) et enfin l’action que vous pouvez envisager pour répondre à ce besoin (appeler un ami, faire du sport, dessiner…). 

La seconde nous vient de la psychologie positive et propose de noter chaque soir nos « trois kifs » du jour. Ce sont souvent des choses très simples : une discussion agréable, un bon repas, un rire… Pourquoi c’est important d’y faire attention ? Parce que notre cerveau peut vite se mettre dans un mode de survie dans lequel on ne perçoit plus que le négatif. Avec cet exercice de gratitude on réapprend à notre cerveau à se focaliser sur ce qui nous fait du bien.

 

6) CREER

Une façon de sublimer ses émotions est de créer. Le confinement peut être l’occasion idéale de vous y mettre.

Vous pouvez donc dessiner (même mal, ou avec du papier calque…), redécouvrir le coloriage, comme nos enfants, vous amuser à créer d’étranges sculptures avec des matériaux de recyclage, vous remettre à la musique, au chant… La plupart des profs continuent à faire des cours à distance, et ça fonctionne plutôt bien. Bien sûr, pour les cours d’instrument, il vous faut déjà le matériel… Et si vous ne voulez pas prendre de cours et que vous ne savez rien faire d’artistique (pensez-vous), vous pouvez quand même chanter si ça vous fait plaisir, juste pour le fun, en rejoignant ou lançant des chorales de quartier comme je le disais plus haut. Farfelu, mais qui sait ?

Autre possibilité : faites des photos, des vidéos ! Essayez avec ce que vous avez, cherchez de nouveaux angles de vue, voyez comment manifester vos émotions…

 

7) REPRENDRE LE CONTROLE

Les instructions gouvernementales, médicales et scientifiques paraissent simples : restez chez vous. Le problème c’est que cela nous prive d’une stratégie qu’on a souvent l’habitude de mettre en place face à un événement « menaçant », à savoir d’agir. Or, ce que je constate souvent avec mes patient-e-s, c’est à quel point elles et ils ont besoin de reprendre le contrôle sur leur situation. Comment retrouver ce sentiment en étant confiné-e-s ?

On peut déjà s’organiser, en faisant une liste de ce qu’on pourrait faire (seul-e, à deux, à plus pour les familles ou les colocataires). Etablir un emploi du temps pour celleux qui aiment l’ordre ; voir heure après heure pour celleux qui préfèrent la spontanéité et la vie au gré de leurs envies. Cette recommandation est d’ailleurs particulièrement valable pour les personnes pour qui la situation est la plus pénible : pensez heure par heure plutôt que sur des jours ou des semaines. Le temps peut paraître infini, la situation inextricable, alors revenir à l’ici et maintenant, en vous demandant ce que vous voulez faire de l’heure qui vient (et seulement de l’heure qui vient) peut vous aider.

Pour les personnes qui travaillent, adoptez le rythme qui vous convient le mieux tout en gardant des moments de détente. Ça peut être de respecter vos horaires habituels et de tout couper le soir et le week-end. Pour d’autres, les horaires peuvent être plus flous et variables : le tout est de s’aménager des moments clairs pour faire autre chose.

Essayez de vous lever et de vous coucher à heures fixes. Là encore, tout dépend de vos habitudes. Si l’idée même de mettre un réveil vous angoisse, laissez tomber. Mais sachez que pour conserver une horloge biologique bien réglée, et donc un sommeil de qualité et une bonne humeur, vous mettez plus de chances de votre côté en étant réguliers. Idem, privilégiez des horaires fixes pour vos repas.

 

8) AGIR

Pour ceux qui ne travaillent pas et qui se retrouvent avec un sentiment de trop de temps libre, d’ennui, c’est le moment de réfléchir à des projets que vous pouvez mettre en place pendant cette période. Se reposer, c’est très bien, mais quand on stagne contre son gré, on risque de sombrer. C’est donc le moment de réfléchir et de vous lancer. Vous pouvez apprendre une langue étrangère (DuoLingo, les formations en ligne des bibliothèques parisiennes…), suivre des MOOC, des cours en ligne, créer votre propre site Internet, écrire un livre, cuisiner, créer des recettes… A vous de voir ce qui vous fait envie.

 

9) FAIRE PREUVE DE SOUPLESSE

Malgré toutes ces injonctions à agir, faites en fonction de ce que vous voulez et pouvez. Vous culpabilisez parce que vous n’arrivez pas à travailler, à avancer, à tout gérer, à étudier ? C’est NORMAL. L’une de mes étudiantes en a parlé à l’ensemble de notre TD sur le groupe Facebook que nous partageons et m’a fait prendre conscience de ça, donc merci à elle. La société voudrait qu’on continue à vivre normalement, mais on ne peut plus agir normalement. Pourquoi devrait-on continuer à maintenir des activités qui ne sont pas essentielles si on ne se sent pas en mesure d’agir ? Soyons tolérant-e-s, plein-e-s d’acceptation et de compassion envers nous-même. Avançons à notre rythme, et si on a envie de se poser, de digérer ce qui nous arrive, alors prenons le temps de le faire.

Et surtout, SURTOUT, soyez souples, faites preuve d’adaptabilité, ne partez pas bille en tête qu’il faut absolument faire ci ou ça pendant cette période. Trouvez-vous une souple routine, comme on me le disait récemment. C’est un moment inédit, historique, effrayant, extraordinaire, bouleversant pour nous tou-te-s, qui invite à redéfinir nos modes de vie et à nous réinventer. Nous entamons un marathon émotionnel. Alors concernant ces recommandations ou celles que vous pourriez lire ailleurs puis mettre en place, rappelez-vous qu’il n’y a pas d’obligation.

Soyez indulgent-e avec vous-même, ce n’est facile pour personne. Acceptez de ne pas être parfait-e, pardonnez-vous vous errances et vos erreurs. Soyez doux-ces envers vous. Et cherchez les petits moments de bonheur quotidien.


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=> Quelques conseils de l’équipe de pédopsychiatrie du CHU Robert Debré dont fait partie ma collègue Marina Dumas Mishchenko : pour aider vos enfants, avec TDAH, avec un trouble du spectre de l’autisme, et pour prendre soin de soi.

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